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Dans l'ombre de la lumière - Extrait

La ville est belle vue d’ici. Ils devraient en faire un point de passage pour les touristes. Une photographie de ce paysage en contre-bas avec sa rivière serpentant entre les champs ferait fureur sur les réseaux sociaux. Ce serait quand même plus facile s’ils installaient un escalier, escalader la roche est épuisant. Peut-être le feront-ils en ma mémoire après tout ceci. Peut-être même donneront-ils mon nom à cette colline aussi. Le « mont Lancaster » … ça sonne mieux que la « colline du suicide ». J’aime cet endroit, ma montagne, havre de paix où seuls les oiseaux sont autorisés. Ils me fascinent, je les envie. Combien de fois n’ai-je pas souhaité m’endormir sans jamais me réveiller… et m’envoler. Est-il possible de se réincarner ? Si oui, je veux être l’un d’entre eux.

Encore un pas puis c’est le vide. Je suis sûre d’y flotter tant il règne en moi depuis toujours. Un corps sans âme depuis ma naissance. Après tout je suis née morte. C’est elle qui m’a sauvé, au prix de sa propre vie sur la table d’accouchement… Maman. Est-ce que je te ressemble au moins ? Papa dit que oui ; que je suis ton portrait craché avec mes magnifiques yeux verts comme les champs, mes longs cheveux caramel ondulés comme les vagues d’un océan sucré, mon petit nez rond et mes fines lèvres aussi douces et délicates qu’une pêche. Il exagère ; probablement parce qu’il est écrivain, déformé par son métier. Il dit que les yeux sont le reflet de l’âme… Peut-être est-ce pour cela que je ne vois qu’un halo de gris entourant une sphère noire dans le miroir. Puis je n’aime pas mes cheveux longs, ils sont fins et cassants. Je devrais les couper d’ailleurs, ils ne pourraient plus me les tirer ou y coller du chewing gum.

Et toi, tu en penses quoi ? J’ai ta photo dans ma poche, toujours, écornée par le temps. Tu y es allongée sous un arbre, contemplant le ciel. Tu sembles paisible, tu as un magnifique sourire. Il me suffit de te regarder pour comprendre que tu es bien plus jolie que moi. Mais cela ne me suffit plus, je veux en juger par moi-même. Je vais bientôt le savoir. J’ai hâte, je ne tiens plus. Cela fait si longtemps que je te cherche. Pour l’occasion, j’ai mis ma robe noire, celle qui m’épouse le corps comme une seconde peau et dissimule mes formes. Aujourd’hui, j’ai 18 ans, un tournant dans ma vie, je deviens adulte parait-il. J’ai envie de marquer le coup et d’assumer mon premier acte en tant que femme en m’offrant ce voyage.  J’aurais voulu le faire plutôt mais je n’ai pas trouvé la force. J’ai été faible. À y repenser, c’est pour cela que j’ai toujours été brimée. On dit que l’homme aime s’entourer de plus faibles que lui pour se sentir fort. C’est vrai, j’en suis la preuve vivante. Mais là, je me sens forte, prête à entamer ce grand et beau voyage ; je suis prête à être moi-même dans ce monde qui est le tien.

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